LA VIE ARTIFICIELLE: INTRODUCTION
Historique
Ce cours fait suite au connexionisme dans l´image
de synthèse
et à l´évolutionnisme dans l´image de
synthèse, les concepts abordés dans ces deux derniers cours
(réseaux neuronaux, algorithmes génétiques et
programmation génétique) seront supposés connus.
On peut définir la Vie Artificielle comme l´étude des
systèmes artificiels possédant certaines caractéristiques des
êtres vivants [Heudin 94]. Langton [Langton 1989] est à l´origine de cette
nouvelle discipline scientifique appelée V.A. qui a debuté en 1987
avec la première réunion internationale à Los Alamos (USA).
Mais il faut la replacer dans son contexte historique
et l´étude de ses origines permettra d´en mieux comprendre
l´importance.
Les créatures artificielles
Statues animées
Les Egyptiens croyaient qu´une statue avait un ka, sorte
de double représentant un mort ou un dieu. A Thèbes (XIXème dynastie),
les prêtres faisaient
rentrer l´âme d´un défunt dans une effigie par des rites sacrés
(comme l´ouverture de la bouche ou des yeux et l´ennoncé de
formules magiques). La statue pouvait alors bouger, parler,
était investie de pouvoirs surnaturels et pouvait rendre des oracles.
Plusieurs statues pouvaient communiquer entre elles et étaient
considérées comme les interprètes des dieux. Ces croyances
étaient entretenues par d´astucieux mécanismes simulant une
certaine mobilité (comme des bras articulés).
Le désir d´imiter la vie a un double aspect religieux et esthétique.
Plus tard, ces figurines articulées furent remplacées par
des statues dont le seul aspect réaliste suffisait à investir
l´officiant, qui étendait la main sur elles, de pouvoirs magiques.
Le mythe de Pygmalion
Dans la mythologie grecque, Pygmalion était un roi de
Chypre qui tomba amoureux d´une statue d´Aphrodite (déesse
de la Beauté et de l´amour). Ovide, dans les Métamorphoses,
fit de Pygmalion un sculpteur épris d´une statue
qu´il tira de l´ivoire à l´image de son idéal de la femme
et à laquelle Aphrodite donna la vie.
Ce thème de l´artiste créateur fut développé par Bernard
Shaw dans son Pygmalion (1913) dont fut tiré My Fair Lady
de Lerner et Loewe.
Le Golem
Dans l´Antiquité, Le Golem désignait toute forme incomplète
émergente (comme une femme non encore fécondée). Dans la
tradition talmudique, Adam est un golem fait de poussières
[Cohen 1968]. Le Golem de la tradition juive fut créé à Prague
au XVI ème siècle par le
rabbi Judah Loew ben Bezalel (1513-1610) en réponse aux persécutions
antisémites de l´époque et traduit la confrontation de la
nouvelle pensée technique de la Renaissance avec les anciens
systèmes de connaissance. Façonné dans de l´argile et doué de vie
grâce à des paroles rituelles, il était chargé de protéger la
communauté juive des persécutions. Mais, au-delà de cette
interprétation traditionnelle, comme automate "programmé" par
un texte sacré [Breton 1990], il préfigure le robot
et l´ordinateur, reposant en des termes nouveaux les rapports
complexes entre Dieu, l´homme et ses créations. Investi du
pouvoir de créer un être à son image, l´homme prend la place
de son dieu, et cette image le remplace lui-même, initiant ainsi
un cycle sans fin de réincarnations de l´humanité dans ses propres
créations. Le Golem
raconte une histoire de menace et de peur, mais aussi d´espoir
placé dans la puissance créatrice de l´homme [Breton 1992].
Aujourd´hui, la Vie Artificielle nous parle non pas de
dieu, d´humains et de robots, mais de quelque chose à la fois
de beaucoup plus général et de beaucoup plus concret,
la vie, dont nous faisons partie, pouvant
prendre de multiples formes, de l´organisme à base de molécules
carbonées que nous connaissons, à l´appartiton de machines
douées d´intelligence et de la faculté de se reproduire, en
passant par d´autres manifestations inconnues peut-être existant, ayant
existées ou qui existeront quelque part dans l´univers.
L´anthropomorphisme
Dans son acceptation courante le terme d´anthropomorphisme
désigne une pensée insuffisamment critique voulant expliquer
ou représenter toute chose sur le modèle humain.
Dans son sens étymologique il signifie doter quelque chose
de la forme humaine ou même créer un objet ayant une forme
humaine. Ainsi entendu il renvoie à une activité créatrice et
artistique. Mais pas seulement: En effet il peut s´agir pour l´homme
de se reproduire lui-même (statue, portrait, robot, ...), mais il peut
s´agir encore du modelage culturel auquel toute
société soumet ses individus. La plupart des mythes donnent
une théorie de la création de l´homme à laquelle se
référent toutes
les productions, tant sociales, économiques, politiques qu´artistiques,
d´une culture donnée (anthropologie). Ainsi d´Adam
(issu de l´argile) et d´Eve (issue d´une côte d´Adam), ou de la
mandragore (plante poussée au paradis terrestre dont les racines
évoquent une forme humaine) qui serait l´origine chtonienne
(qui est née de la terre) de l´homme.
Les idoles animées de l´Antiquité, le Golem de la tradition Juive,
la cybernétique du milieu du XX ème siècle ou la Vie Artificielle actuelle
sont d´autres manifestations de cet anthropomorphisme récurrent.
Vouloir imiter l´humain, c´est donc répéter ou reformuler
ces mythes fondateurs, c´est une attitude proprement humaine qui
traverse toutes les cultures et que l´on retrouve aujourd´hui,
généralisée, avec cette volonté, non seulement de comprendre et
d´expliquer, mais encore de reproduire, de créer et de
redéfinir le concept même de la vie: Celle-ci n´est plus
seulement anthropomorphique, mais englobe tout ce qui, dans
l´univers connu ou inconnu, manifeste certaines propriétés
d´autoconfiguration et d´autoadaptation. Et ce qui est très nouveau,
c´est que certaines machines commencent à relever de cette définition.
Après la révolution copernicienne (qui fit perdre à l´homme
sa position centrale), après la révolution darwinienne
(qui lui fit perdre son origine divine), après la révolution
freudienne (qui lui fit perdre son pouvoir absolu sur lui-même),
après la physique moderne (qui relativise des notions aussi
fondamentales que celles de temps ou de déterminisme) voici la
révolution cybernétique qui fait de l´homme un être pensant
parmi d´autres entités également pensantes et, parmi elles,
l´une de ses créations: La machine.
Les automates
Heron d´Alexandrie (Egypte 125 av J.C.) écrit Les
pneumatiques et Le traité des automates et confectionne
des machines simulant les mouvements d´êtres humains ou
d´animaux. Byzance voit une ère remarquable d´oiseaux mécaniques
et de fontaines animées au IX ème et au X ème siècle.
En Asie les automates utilisent la pierre d´aimant qui les
orientait toujours vers le sud.
En Europe les
Jacquemarts apparaissent au XIII ème siècle ainsi que des horloges
astronomiques (Starsbourg). La Renaissance, avec Léonard de Vinci
(1452-1519),
s´intéresse à la vie artificiell et aux automates androides.
A l´inverse Descartes (1596-1650) fait de l´animal une machine et donne
une explication mécaniste du fonctionnement du corps humain.
Blaise Pascal (1623-1662) construisit, à l´age de 19 ans,
une machine arithmétique reposant sur un système de roues
dentées excluant la notion d´erreur de calcul. Leibniz conçut
quelques années plus tard une machine capable d´effectuer les
quatre opérations élémentaires. Plus tard Charles Babbage (1792-1871)
inventa la machine à différences et la machine
analytique ancêtre des ordinateurs programmables.
Le XVIII ème siècle perfectionne les mécanismes imitant la vie.
Ainsi Jacques de Vaucanson (1709-1782) construit un joueur de flûte
dont le souffle modulait les sons de la flûte traversière qu´il
tenait entre ses mains. Il construit aussi un canard digéreur.
Pierre Jacquet-Droz réalise un écrivain, un dessinateur et une
musicienne. Son écrivain est entièrement animé et peut même
réaliser des pleins et des déliés, véritable "machine à écrire", il
change automatiquement de ligne.
Le XX ème siècle automatise la production industrielle et abandonne
un peu le rêve d´un homme artificiel.
Les monstres
Le XIX ème siècle romantique, rejetant la technique, fait un
retour aux traditions les plus archaïques en condamnant la
transgression du tabou de la connaissance et de la création.
En exaltant le naturel il manque en fait la nature et la vie
et se complait dans une critique frileuse de la science.
La créature artificielle ne peut alors être que monstrueuse et
malfaisante, comme la société, elle-même artificielle, alors
que le naturel est nécessairement bon. Ainsi, dans le célèbre
Frankenstein ou le Prométhéee moderne de Mary W. Shelley (1797-1851),
le monstre (dans le film de Whale) devient-il meurtrier
après avoir été blessé par le père
qui s´était trompé sur ses intentions.
En 1816 Hoffman, dans L´homme au sable, fait d´Olympia une
créature froide et tragique, dépourvue de toute humanité, détournant
Nathanaël d´un naturel heureux pour le plonger dans les erreurs
d´une apparence artificielle.
Les ordinateurs
Les orgues de barbarie et les jacquemarts du Moyen Age, ainsi que
les métiers à tisser Jacquards de la fin du XVIII ème
siècle,
constituent la préfiguration de ce que sera la
programmation de nos modernes ordinateurs.
Ceux-ci ne purent voir le jour que grâce à l´algèbre binaire
développée par George Boole (1815-1864) et aux progrès technologiques
de l´électronique.
Un algorithme peut être défini comme l´exacte description
d´une suite ordonnée finie d´opérations permettant la résolution
automatique d´un problème. Il fallu attendre les travaux d´Alan
Turing (1912-1954) sur la logique formelle pour que puisse être
posée la question d´une "intelligence" de la machine. S´inspirant
de la cybernétique Turing proposa des
réseaux d´automates
sur le modèle de ce que l´on connaissait à l´époque du
cerveau [Turing 47, 50]. Turing inventa le concept de machine
universelle capable de calculer toute fonction récursivement
calculable en un temps fini (une fonction est calculable si il
existe un algorithme donnant la valeur de cette fonction pour un
argument en un temps fini, elle est récursivement calculable
s´il existe un ensemble fini d´opérations s´appliquant au premier
argument y0=f(x0), puis au resultat de cette operation y1=f(y0) et
ainsi de suite jusqu´au resultat final). Une telle machine est
composée d´une unité de calcul, d´une mémoire potentiellement infinie
et suppose l´existence d´un programme adéquat codé par des chaînes de 0
et de 1 (machine à états discrets), elle peut lire, écrire et effacer
les informations, à l´issu du calcul le résultat est codé comme
une chaîne binaire dans la mémoire. Les ordinateurs que nous connaissons
sont des réalisations de la machine abstraite de Turing, ce sont
des méta machines capables d´émuler n´importe quelle autre
machine. Savoir si de telles machines peuvent simuler n´importe
quel processus, fusse-t-il vivant, est l´une des questions posée
par la V.A.. Nous verrons que pour répondre a cette question il faudra
dépasser les concepts de "machine" et de "vivant", tels qu´ils
ont été définis dans le passé, à la lumière des nouvelles
connaissances que nous apportent les neurosciences.
L´intelligence Artificielle
La question de la Vie Artificielle recoupe partiellement celle
de l´Intelligence Artificielle, toutes deux font appel au numérique.
L´I.A. postule que l´esprit humain peut
être modélisé par un programme d´ordinateur, faisant de la machine
universelle de Turing et de la notion d´algorithme les bases de la
compréhension du cognitif. Aujourd´hui on pense plutôt que, si une
telle simulation est bien en effet possible, elle ne suffit
cependant pas à construire une machine intelligente qui devra
nécessairement posséder certaines propriétés du cerveau que n´ont
pas les ordinateurs actuels. La pensée algorithmique, aussi
puissante soit-elle, ne suffit pas à expliquer la vie.
Le dualisme, proné par Descartes au XVII ème siècle,
sépare radicalement la matière et l´esprit;
le matérialisme, au contraire, stipule
que le cerveau est seul responsable de la pensée. Le
fonctionnalisme, quand a lui, affirme que les propriétés spécifiques
du cerveau ne sont pas propres à cet organe mais qu´elles
pourraient être réalisées sur d´autres supports (naturels ou
artificiels).L´émergentisme postule aujourd´hui que la vie
et l´intelligence sont des propriétés émergentes d´une
organisation de la matière.
Cependant il existe des différences fondamentales entre V.A. et I.A.:
1) On ne peut identifier "vie" et "intelligence", la première
étant ancrée dans des êtres bien réels, alors que la deuxième
n´est définie que de façon abstraite.
2) L´I.A. est une simulation sur ordinateur, alors que
la V.A. envisage des réalisations concrètes sous forme d´organismes
artificiels.
La Cybernétique
Origine de la Cybernétique
Norbert Wiener (1894-1964), fondateur de la Cybernétique,
proposa une approche commune du contrôle de la communication
dans le monde du vivant et dans celui des machines [Wiener 48].
Wiener fait la synthèse de résultats mathématiques (théorie de
la prédiction statistique), technologiques (machines à
traiter l´information), biologiques (préfigurant même la
découverte de l´ADN) et psychologiques. A la différence
des machines mécaniques (de l´Antiquité) et des machines énergétiques
(du XIX ème siècle) qui prolongeaient le système musculaire,
les machines informationnelles (comme les ordinateurs) prolongent
le système nerveux.
La notion de rétroaction (feed back), définie comme l´action
exercée sur les entrées d´un système par ses sorties s´applique
aussi bien aux machines cybernétiques qu´aux organismes vivants
pour lesquels elle est définie comme l´action exercée par l´organisme
sur lui-même pour assurer son autorégulation.
Les automates
Ces machines informationnelles sont de plusieurs types: De
transmission (téléphone), à calculer (calculateurs), à
comportement (stabilisateurs, régulateurs, réalisateurs de
tâches, ...). Toutes répondent à la définition d´un automate.
Un automate est un système programmable traitant de l´information
et capable de contrôler ses opérations (rétroaction). La cybernétique
développe des analogies entre les automates et d´autres systèmes
(nerveux, vivants, sociaux, ...), elle s´intéresse à leur
fonctionnement et à leurs structures communes, et a défini, pour
cela, le concept d´automate abstrait qui représente l´aspect
purement logique des automates concrets. Plus généralement
on définira un système discret par la donnée de:
1) Un ensemble de variables d´entrées X.
2) Un ensemble de variables de sortie Z.
3) Un ensemble de variables d´états Y.
4) Une application f de X * Y dans Y
5) Une application g de X * Y dans Z
Le système est représenté par les deux équations:
Y(t + dt) = f [X(t), Y(t), t]
qui donne l´état Y du système à l´instant t+dt
en fonction de ses entrées X et de ses états Y à l´instant t.
Z(t + dt) = g [X(t), Y(t), t]
qui donne la sortie Z à l´instant t+dt
en fonction de ses entrées X et de ses états Y à l´instant t.
Remarquons qu´un réseau de neurones (voir Le
Connexionnisme en Image de Synthèse) répond à cette définition.
Cybernétique et systèmes vivants
Dans le monde du vivant on peut isoler des ensembles d´éléments
ayant entre eux des relations plus fortes que celles qu´ils
entretiennent avec leur milieu, ces relations étant des échanges
d´information (communication) ou des contrôles (programmes
d´action), de tels systèmes relèvent de la cybernétique. C´est le
cas des macromolécules organiques, des cellules,
des tissus et organes, des systèmes fonctionnels,
des individus eux-mêmes et des collections, ou
sociétés, de tels individus.
La cybernétique des systèmes artificiels étudie des automates
asservis, adaptatifs ou autodidactes pouvant simuler les
systèmes vivants et aider à leur compréhension. D´autre part
la bionique s´inspire des comportements du vivant pour
trouver des solutions à des problèmes techniques. Ces deux
démarches sont complémentaires et se fécondent mutuellement.
Les systèmes biologiques doivent leur stabilité (homéostasie)
à de nombreux contrôles autocorrecteurs (boucles de rétroaction
négatives), ils doivent aussi faire preuve
d´adaptabilité face à un milieu changeant en trouvant sans cesse
de nouveaux états d´équilibre par apprentissage, enfin ils
s´autoreproduisent. Ce sont toutes ces questions que l´on
retrouve dans la Vie Artificielle.
La Vie Artificielle
Qu´est-ce que la vie ?
La vie artificielle
Qu´est-ce que la vie ?
La vie a commencé, il y plusieurs milliards d´années, avec
les protistes, bactéries et virus.
On peut classer les êtres vivants en deux règnes: Les végétaux
(qui produisent leurs aliments par photosynthèse) et les
animaux (qui se nourrissent de substances qu´ils ne produisent
pas). Le virus (incapable de se reproduire seul) est à la
frontière du vivant et du non-vivant.
Voici quelques éléments permettant de définir le vivant:
1) Le vivant est plus une organisation qu´un être
bien défini (les cellules d´un organisme sont partiellement remplacées au cours
de sa vie);
2) Le vivant interagit fonctionnellement avec son environnement
(réponse aux stimuli, anticipation et modifications).
3) Il est capable de s´adapter à un environnement changeant
(boucles de rétroactions négatives et apprentissage).
4) Il comprend une description de lui-même qu´il utilise
pour se reproduire (A.D.N.).
5) Il est capable de s´autoreproduire.
6) Enfin les êtres vivants évoluent, non seulement au niveau
ontogénétique (de l´individu), mais encore au niveau
phylogénétique (de l´espèce).
Les premiers rapprochements du vivant et des modèles informatiques
sont dus à John Von Neumann (1903-1957) avec sa
théorie des automates autoreproducteurs
[Von Neumann 66], dans laquelle il montra que la
propriété d´autoreproduction des êtres vivants peut s´expliquer
par l´organisation d´un système complexe sans avoir recours
à une mystérieuse "force de vie".
La vie artificielle
La Biologie étudie la vie telle qu´elle se manifeste à nous,
sous forme de molécules organiques carbonées. Mais il ne faudrait
pas identifier un principe, plus général, de la vie avec cette
manifestation particulière: La Vie Artificielle a justement
pour but l´étude de toute forme de vie, actuelle, passée, à venir,
sur terre ou sur d´autres mondes, naturelle ou artificielle. La
Robotique produit des artéfacts en vue de réaliser des
tâches précises. La Biologie Moléculaire s´intéresse
à la synthèse de molécules organiques. La Génétique
se propose d´améliorer certaines espèces dans un but déterminé.
Mais rien n´empêche d´imaginer l´Hybridation de vies naturelles
et artificielles (organes de synthèse, utilisation de neurones
dans les machines).
Les manifestations les plus remarquables de la vie seraient des
propriétés émergentes, c´est à dire résultant de l´organisation
d´un système mais absentes des éléments de ce système. De telles
propriétés émergentes apparaissent dès qu´un réseau interconnécté
suffisamment complexe est mis en interaction avec un environnement.
Par opposition à une analyse, qui réduit une structure
à ses éléments, une synthèse assemble des structures
en vue de construire un système complexe d´où pourront émerger
des propriétés qui n´avaient pas été postulées au départ. D´ailleurs le
structuralisme nous avait déjà habitué à voir dans le tout
plus que la somme de ses parties. Si la synthèse d´un organisme artificiel
présentant certains aspects de la vie ne signifie pas pour autant que l´on aura
ni créé ni expliqué la vie, du moins cela constitue-t-il les conditions
expérimentales nous permettant d´en mieux comprendre le fonctionnement.
La Conscience Artificielle
Le dualisme, prôné par Descartes au XVII ème siècle,
érige en dogme que
l´esprit et la matière sont deux phénomènes fondamentalement
différents, que la philosophie (qui s´occupe du premier) et la science
(qui s´occupe du second) sont irréductibles l´un à l´autre. Il y a
deux tendances [Searle 99]:
Le dualisme de la substance qui sépare les deux substances
corps et esprit
Et le dualisme des propriétés qui pense que le
mental et le physique désignent deux propriétés
distinctes permettant à la même substance, comme un humain, de posséder
les deux en même temps.
Le monisme pose l´unicité de l´esprit et de la matière et se divise
en deux écoles:
Le materialisme pour qui la matière est l´origine de tout
et que toute manifestation cérébrale correspond à des états
physiques du cerveau.
Et l´idéalisme pour qui l´esprit prédomine.
Au début du XX ème siècle, le béhaviorisme pose que les états
mentaux ne sont que les schémas comportementaux physiques, on lui
a objecté qu´en fait ce sont les états mentaux qui semblent causer
les comportements.
Cette théorie fut suivie par le physicalisme qui affirme
que les états mentaux sont identiques à des états cérébraux. Or
on estime aujourd´hui que la pensée est un phénomène émergent,
indépendant de son support et ne valant que par son organisation, et
donc qu´il n´y a aucune raison pour qu´elle n´apparaisse que
dans le cerveau.
Pour le fonctionnalisme [Dennett 78], théorie acceptée aujourd´hui par
la plupart des spécialistes des neurosciences et de la cognition,
les états mentaux sont effectivement
des états physiques, non pas à cause de leur support (par exemple
le cerveau) mais en raison de leur organisation.
La version extrême du fonctionnalisme, que Searle appelle
Intelligence Artificielle Forte, considère l´esprit comme
un programme tournant dans un cerveau-ordinateur, mais elle échoue
à expliquer la conscience et encore plus la
conscience de soi.
En fait la
conscience
serait un phénomène émergent d´une
certaine forme de l´organisation de la matière, quel que soit par ailleurs son
support physique.