Réponses de Michel Bret à la
Petite interview des fondateurs d'ATI (pour la publication des 20 ans d'ATI)

 

 

1 Que faisiez-vous avant ATI ? Votre parcours ?

 

Après des études de mathématiques, j’ai enseigné au titre de la Coopération Culturelle et Technique durant 7 années (de 1966 à 1972). Je partageais mon temps entre l’enseignement, les voyages (Afrique du Nord, Moyen Orient, Amériques du Sud et du Nord, Asie, Indonésie,…), la peinture et les collages. J’ai réalisé plusieurs expositions (peintures à Caracas, collages à Saigon).

De retour en France je me suis mis en congé pour convenances personnelles. Fort démuni j’allais manger au restaurant universitaire de l’Université de Vincennes : je passais tous les jours devant le département d’informatique dont une salle portait l’inscription « Art et Informatique », intrigué et curieux tout à la fois (mon bagage scientifique et ma culture artistique me portaient naturellement vers les nouvelles technologies) je poussais la porte et trouvais un grand diable roux (Hervé Huitric) occupé à réaliser des images avec des machines.

Tout de suite séduit je m’y suis mis moi aussi. Je complétais ma formation en suivant des études d’informatique à Jussieux et fus engagé comme chargé de cours au département d’informatique de Paris 8 pour y enseigner l’animation sur ordinateur.

Membre du GAIV (Groupe Art et Informatique de Vincennes) je participais à de nombreux concerts et expositions au cours des quels étaient produits de la musique et de l’image de synthèse. C’est de cette époque (1976-1980) que datent mes premières installations artistiques interactives.

Je développais alors des programmes et réalisais des films de synthèse, nuitamment, dans les labos qui voulaient bien m’accueillir (Hôpital Saint Anne, CIMA, INRIA, CMI, …).


2 Racontez-nous le lancement d'ATI, l'idée, le montage...

 

Hervé Huitric, Monique Nahas et moi-même menions des recherches en image de synthèse au département d’informatique. Par ailleurs Edmond Couchot (art cinétique) et Marie-Hélène Tramus (art vidéo) menaient également des expérimentations artistiques utilisant la technologie, notre rencontre fut très fructueuse. Nous décidâmes de communiquer notre enthousiasme aux étudiants en créant un enseignement artistique original (unique en son genre) utilisant les nouvelles technologies.


3 Les premières années..., la philosophie ATI, les lignes directrices ?

 

Au début il n’y avait qu’une seule machine (une SM90) connectée au processeur graphique COLOLRIX (mis au point par Louis Audoire en 1976) pour 50 étudiants et 5 enseignants, c’était assez difficile. Les machines étaient lentes et il n’existait aucun logiciel graphique, mais ce fut aussi notre chance : Nous développâmes nos propres outils avec nos préoccupations d’artistes, en marge de tout les courants conformistes.

La philosophie d’ATI était bâtie sur le concept de « double compétence » : il faut maîtriser une technique pour pouvoir la dépasser artistiquement. Nous enseignions donc la programmation, l’algorithmie et la connaissance des machines, mais dans le seul but de faire des images.

Le recrutement des étudiants répond à ce soucis en équilibrant les pourcentages d’artistes, de techniciens et de scientifiques. Cette osmose permet tout à la fois aux artistes d’acquérir une compétence technique et aux techniciens de développer une sensibilité artistique : de tels étudiants sont très recherchés dans le monde du travail.


4 Quels ont été vos principaux travaux réalisés pendant ces 20 ans à ATI ?

 

1976-1984 (avant ATI): Développement de programmes interactifs en temps réel (écrits en assembleur et tournant sur des ordinateurs 8 bits). Il reste quelques films (tournés directement sur l’écran avec une caméra 16 mm synchronisée avec le tube vidéo). Ecriture de programmes pseudo 3D et 3D (en assembleur et Fortran tournant sur des PDP11). Il reste quelques films tournés en temps différé (sur les machines de l’époque une image 3D demandait jusqu’à une heure de calcul).

1984-1986 : Ecriture du programme « patch » (en fortran, tournant sur Vax et PDP11) d’animation 3D. Il reste quelques films 16mm.

A partir de 1986 : Développement d’ « anyflo » (écrit en C) avec lequel plusieurs générations d’étudiants ont travaillé et avec lequel j’ai mené, et mène toujours, mes recherches et réalisé de nombreux films et installations interactives.

A partir de 1995 : Application des techniques de l’IA (Intelligence Artificielle) et de la

VA (Vie Artificielle) à la création artistique numérique (réseaux neuronaux et algorithmiques génétiques) : le concept de base est celui d’autonomie (par opposition à celui de contrôle à l’œuvre dans les réalisations les plus classiques). Je réalisais de nombreux films et installations interactives mettant en œuvre ce que nous avons appelé la « seconde interactivité » (par analogie avec la seconde cybernétique). Avec Marie-Hélène Tramus nous avons mené des recherches sur le thème « art et cognition » (projet soutenu par le Ministère de la Recherche en 2000-2002) en collaboration avec le professeur Berthoz du collège de France.


5 Si vous deviez mémoriser 5 dates marquantes pour vous, ce sont ?

 

Invention de l’informatique (Turing, Neuman)

Invention de la cybernétique (Weiner)

Apparition de l’Internet

Utilisation de concepts issus de la biologie à la création artistique par ordinateur

La prochaine grande avancée…


6 Quelques anecdotes ?

 

Lorsque, en 1986, Edmond Couchot, Marie-Hélène Tramus et moi-même mettions au point « La Plume » , installation interactive qui utilisait un capteur de pression, nous nous étonnions de voir la plume virtuelle s’agiter sur l’écran alors que nous ne soufflions pas dans le capteur, jusqu’à ce que nous réalisions qu’un ventilateur, placé derrière nous, participait lui aussi à l’expérience… Nous avons vu dans cette anecdote une très jolie métaphore des rapports de la vraie vie avec le virtuel.


7 Comment voyez-vous le futur d'ATI ? Vos espérances, les futures lignes
directrices

 

Le futur appartient aux nouvelles générations d’étudiants et aux jeunes enseignants. Nous espérons seulement que les idées avec lesquelles nous avons créé ATI étaient suffisamment générales et généreuses pour qu’elles continuent à porter un enseignement et une recherche libre, tolérante et enthousiasme, à l’abri de tous les autoritarismes, de toutes les modes et ouvert à toutes les innovations.